Relation client : les social rooms changent la nature des conversations

Auteur: Jeanne Bordeau

Source: https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2017/09/16910-relation-client-social-rooms-changent-nature-conversations/

Lieu d’observation des tendances et des aspirations des clients, la « social room » est au cœur de la nouvelle stratégie éditoriale des entreprises.

L’entreprise digitale doit réinventer son organisation éditoriale. Pour faire face aux enjeux d’instantanéité, de conversation en continu, de créativité, de ciblage et de personnalisation, elle a compris l’importance de développer, en interne, un pôle de création de contenu qu’on appelle tour à tour « newsroom », « social room » ou « content factory ».

De plus en plus, on entend des termes comme « sens », « transversalité », « pertinence ». Il était temps ! Les communicants ont compris l’importance d’une ligne éditoriale pensée, de contenus synchronisés, d’une tonalité signée (lire aussi la chronique : « Comment garder sous contrôle la réputation de sa marque »).

Omniprésence et ubiquité

Avec 5 millions de voyageurs sur les réseaux sociaux, la SNCF est au cœur de discussions chronophages. La social room de la SNCF fonctionne de 7 heures à 22 heures, sept jours sur sept. Douze personnes aux expertises conjuguées (community managers, directeurs artistiques, concepteurs-rédacteurs, data analysts…) œuvrent ainsi à créer des conversations et une expérience client positives.

Le rôle d’une social room est de permettre des conversations ciblées et hyperpersonnalisées mais aussi de répondre dans un temps record aux requêtes des clients. Toute entreprise digitale est vouée à être omniprésente et ubiquitaire. Enfin presque. Parce que si une social room répond à certains défis de la transformation digitale – identification, réactivité, ciblage – elle soulève aussi, sur le fond, la question de la cohérence et de la légitimité et, sur la forme, celle du style et d’un ton qui doit permettre de reconnaître instantanément l’émetteur.

Sens et cohérence

Une social room étend les champs de discours et d’existence de la marque. Elle renforce sa notoriété, séduit, installe une atmosphère, offre des services… Pour l’internaute, elle est génératrice d’expériences et d’émotions. Mais, face aux dangers identifiés du « snackable content » (contenu à « grignoter », à « consommer » en quelques instants, NDLR) et de l’obsolescence rapide, une marque doit sortir la tête du flux.

Dans un entretien accordé à Hervé Monier, blogueur spécialisé en communication, Béatrice Mandine, directrice de la communication de Orange, affirme : « Ce n’est pas tant la défiance face aux discours « corporate » qui noie la relation entre le citoyen et l’entreprise, entre le consommateur et la marque. Il s’agit plutôt de la quantité, toujours exponentielle, de messages auxquels nous sommes tous exposés, qui conduit à la confusion. Il ne s’agit pas d’être partout mais plutôt de redonner du sens à la présence en ligne d’une entreprise… Il faut, de plus, résister à la tyrannie de l’immédiateté et s’assurer de la cohérence des messages dans la durée. »

Aussi les phénomènes de « hijacking » ou de « newsjacking » (détournement d’un événement d’actualité à des fins marketing, NDLR) sont-ils dangereux. En effet, vouloir s’accrocher à l’actualité pour retenir l’attention peut vous disperser. Plus que jamais, lorsqu’elle crée une social room, une marque doit réaffirmer qui elle est, pourquoi elle écrit et parle. Savoir parler d’elle, laisser parler ses collaborateurs, ses clients : écouter, répondre, dialoguer sans se renier.

Aussi créatifs soient-ils, des messages atomisés et juxtaposés ne construisent pas de cohérence dans l’esprit du consommateur. Pour donner confiance et pour générer une expérience positive, la marque doit désormais apporter des preuves, donner une visée à ses contenus, tisser un regard éditorial transversal grâce à une cohérence de ton, et choisir de ne s’exprimer que lorsqu’elle est légitime (lire aussi la chronique : « Storytelling digital : quel format adopter ? »).

Les entreprises doivent-elles externaliser leur social room ? Non, car le social est l’écho d’une culture d’entreprise. Il la nourrit et s’en nourrit.

Immédiateté et pluralité

Dans l’entreprise, une social room impulse aussi une nouvelle manière d’écrire. Les modes d’expression et formes de réalisation se transforment. De nouveaux producteurs de contenus – youtubeurs, influenceurs, storytelleurs, scénaristes, gamers – entrent en scène. Une fois publié, chaque post, article ou contenu est immédiatement transmis, immédiatement commenté.

Au cœur d’une entreprise qui n’a jamais autant écrit, la social room réinvente les modes d’organisation : elle est un lieu d’observation des tendances et des aspirations des clients. L’écriture de l’entreprise – narrée, visuelle, sonore – prend vie. Mais cette éloquence doit être pensée par le biais d’une stratégie éditoriale qui sait le fil narratif de l’histoire qu’elle veut composer. Ainsi, ce lieu, au cœur des échanges avec le client, pourrait même devenir un lieu de R&D.